Monsieur Jacobs fait partie des intervenants de ce Forum des archivistes mais aussi des coulisses et de l’organisation. Présent sur plusieurs stands, il est un des membres de l’équipe professorale de la formation d’Angers.
Monsieur Jacobs, pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
Mon parcours est en fait une succession d’heureux hasards. J’ai d’abord fait un DESS « Archives et Images » à Montauban. C’est à cette époque que j’ai eu l’occasion de travailler pour l’I.R.H.T., qui m’avait alors chargé de migrer une base de données recensant tous les cartulaires de France, et de réaliser une interface collaborative pour les chercheurs. J’ai ensuite été recruté pour une mission plus longue qui portait sur l’édition électronique de textes anciens (Telma). Cette expérience a été très enrichissante pour moi et j’ai vu les chercheurs se mettre à l’encodage XML. Plus tard, je suis parti travailler trois mois au Maroc pour le ministère de la Justice, avec pour mission de définir les besoins et spécifications d’un logiciel de gestion pour les futurs centres régionaux d’archivage judiciaire marocains. Ceci m’a permis d’avoir ensuite un poste d’expert long-terme en Tunisie, toujours au sein d’un ministère de la Justice.
Suite à une conférence donnée à Alger pour le Bouclier Bleu, celle-ci m’a permis d’intégrer le Conseil international des Archives, pour y créer un programme professionnel sur la gestion de situations d’urgence. Après cela, nous avons constitué une coopérative avec d’anciens collègues de travail. Enfin, je suis président du Comité français du Bouclier bleu depuis 2009 et A.T.E.R.1 en archivistique à Angers depuis septembre 2012.
Que représente le forum des archivistes pour vous ?
Le forum est l’occasion pour la profession de prendre une grande respiration, de se retrouver et de se poser autour d’une plateforme d’échanges. C’est bien aussi de voir que l’on n’est pas seul, que d’autres personnes sont confrontées aux mêmes problèmes et se posent les mêmes interrogations. C’est un vrai réseau social, mais analogique.
Quelles sont vos attentes ?
J’aimerais juste faire part de mon expérience, faire connaitre le milieu de l’économie sociale et solidaire. Elle peut apporter des solutions aux problématiques qui se posent actuellement à la profession et aux défis qu’ils doivent relever ensemble.
Comment voyez-vous le métier d’archiviste aujourd’hui ?
Aujourd’hui, l’archiviste a une place à conquérir. Et je dis bien « conquérir », pas « reconquérir » mais bien à « aller chercher, arracher ». L’expertise développée dans notre milieu peut servir à d’autres domaines. Il faut montrer que nous avons un mot à dire, nous rendre visible et nous poser en experts. La question du respect de la vie privée et du droit à l’oubli sont des questions de société, qui concernent directement les gens. L’archiviste doit donc donner son avis scientifique et alerter la société.
Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de la profession, tout est une question d’adaptation à un contexte sociétal, comme nous l’avons toujours fait. Aujourd’hui, il faut partager et ne pas rester forcément dans les schémas traditionnels.
Vous préparez une thèse…
Oui, qui porte sur la politique des archives en France entre le Second Empire et le début de la Seconde Guerre Mondiale. J’y introduis une comparaison avec les Pays-Bas. Deux directeurs de thèse m’encadrent dans ce travail de recherche : Marc-Olivier Baruch (Directeur d’études EHESS) et Eric Ketelaar (Professeur d’archivistique à l’université d’Amsterdam).
Pourquoi avoir choisi ce sujet en particulier ?
Ce sujet est un large, il s’agit d’une période au cours de laquelle se cristallisent de nombreuses choses. Il faut observer ce qu’il se passe pour les archives en cas de changements politiques, de conflits, pendant la colonisation… C’est une époque pendant laquelle les archivistes se structurent, on voit l’autonomisation des professionnels et de la discipline, ainsi que l’introduction de nouvelles techniques dans les bureaux.
Ce qui me passionne le plus, c’est quand le politique se saisit des archives. La fin de ma thèse est prévue pour la fin de l’année prochaine, et la soutenance aura lieu à Amsterdam. Après cela, j’ai un projet de publication : collecter tous les discours prononcés dans le monde à l’occasion de congrès, colloques professionnels, inaugurations de services d’archives pour faire une analyse de tous les topos, que l’on retrouve de discours en discours. Il s’agit pour moi de démontrer que l’on parle des « problèmes posés par les nouvelles technologies » depuis les années x (voire depuis Mathusalem).
Entretien recueilli par Marine Vautier et Pierre Hamel