Intervention d’Antoine Meissonnier et d’Aude Roelly:
Quelles évolutions pour le contrôle scientifique et technique ?
Sigles utilisés :
AD : Archives départementales.
AMOA : Assistance à maîtrise d’ouvrage.
AN : Archives nationales.
CST : contrôle scientifique et technique.
UT : unité territoriale.
Le constat
1. Qu’est-ce que le CST ?
Légalement, le contrôle scientifique et technique pesant sur les archives publiques en France est fondé sur les articles L 212-4 et L 212-10 du code du patrimoine : le premier affirme que les archives publiques qui ont encore une utilité administrative sont conservées par les personnes publiques qui les ont produites, sous le CST de l’administration des archives. Le second article insiste sur le fait que ce contrôle s’exerce en particulier sur les archives des collectivités territoriales.
Étayé par l’article L 211-2 du code du patrimoine, qui affirme que « la conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. », on perçoit que l’objectif fondamental de la loi sur les archives est bien de garantir la bonne gestion et conservation des archives quand celles-ci se trouvent à l’extérieur des dépôts des services publiques d’archives. Comme l’a souligné le récent rapport de l’inspection des patrimoines sur le sujet portant sur le concept de contrôle scientifique et technique dans l’ensemble des spécialités patrimoniales, le contrôle exercé sur les archives ne résulte pas d’un régime de protection, comme dans le cas des monuments historiques, mais de la nature même des archives publiques telles que définies par les articles L 211-1 et 4 du code du patrimoine. Cet état des choses lui donne une puissance d’intervention théorique bien plus grande, à la hauteur des enjeux qui relèvent d’une bonne gestion des archives : transparence de l’action administrative, garantie des droits des citoyens, constitution et conservation des sources de l’histoire de la société civile.
La partie réglementaire du code du patrimoine affine la définition de ce contrôle et répartit les rôles des institutions chargées de son exercice, dans les champs distincts du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense et du ministère de la Culture. Le terme unique de « contrôle » se substitue au CST évoqué dans la partie législative du code du patrimoine, pour les ministères de la Défense et des Affaires étrangères : les articles R 212-6 et R 212-74 donnent respectivement pour mission aux services d’archives relevant du ministère de la Défense le « contrôle de la conservation des archives courantes (…) et intermédiaires » et à la direction des Archives diplomatiques le « le contrôle des archives courantes ».
L’article R 212-3 du code du patrimoine précise le rôle du SIAF pour les autres domaines ministériels : « le contrôle scientifique et technique exercé par le service interministériel des Archives de France de la direction générale des patrimoines porte sur les conditions de gestion, de collecte, de sélection et d’élimination ainsi que sur le traitement, le classement, la conservation et la communication des archives. Il est destiné à assurer la sécurité des documents, le respect de l’unité des fonds et de leur structure organique, la qualité scientifique et technique des instruments de recherche, la compatibilité des systèmes de traitement et la mise en valeur du patrimoine archivistique ». Ce contrôle s’exerce, comme rappelé à l’article R 212-2, sur l’ensemble de la production documentaire des institutions publiques (exception faite des champs du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense) : services et établissements publics de l’État, collectivités territoriales, officiers publics ministériels… Cette définition théorique couvre donc les trois âges des archives, comme rappelé d’ailleurs aux articles R 212-10 à 14, de la gestion des archives courantes à la valorisation.
La loi et la réglementation encadrant la gestion des archives publiques en France ne se limitent donc pas à l’organisation d’un patrimoine historique commun de la Nation, mais donne des appuis pour promouvoir une bonne gestion de l’information dans les collectivités et administrations publiques à des fins de sécurité juridique, d’efficacité administrative et de transparence. Cet aspect devient particulièrement crucial dans le contexte numérique : l’information se crée et disparaît à une vitesse accrue, alors même que les possibilités de sa communication n’ont jamais été aussi importantes et qu’émerge une demande sociale accrue de transparence se traduisant dans l’open data.
Pour autant, il est vrai que les éléments du CST ne sont pas tous très détaillés dans le Code du patrimoine. Seules quelques dispositions précises, auxquelles on réduit souvent à tort le contrôle scientifique et technique, sont explicitement données dans le code : visa d’éliminations d’archives publiques, avis sur les projets de bâtiments, contrôle de l’externalisation des archives intermédiaires, dépôt des archives historiques des communes de moins de 2000 habitants, dépôt d’office d’archives en péril, contrôle des archives privées classées. Il n’en demeure pas moins que l’administration des archives a développé des pratiques concrètes pour garantir les motifs fondamentaux de la gestion des archives publiques.
2. Qui l’exerce ? Le CST à l’épreuve de l’histoire administrative récente
Après avoir défini ce qu’est le CST, toute la question est de savoir qui l’exerce. Le code du patrimoine apporte bien évidemment des principes : son article R 212-4 répartit les rôles entre :
- Le service interministériel des archives de France dans son champ de compétences ;
- Les membres du service de l’inspection des patrimoines pour l’ensemble des services et organismes ;
- Les chefs des missions des archives et les autres personnels scientifiques et de documentation mis à disposition des services centraux de l’État ou des établissements publics nationaux, dans leur ressort ;
- Les directeurs des services départementaux d’archives et agents de l’État mis à disposition des collectivités territoriales
Le directeur des Archives départementales reçoit le pouvoir d’exercer le CST par délégation du préfet, dépositaire de l’autorité de l’État dans le département et représentant de chacun des ministres[1]. Certains articles du code du patrimoine évoquent ce lien direct entre préfet et DAD dans le domaine du contrôle des archives des collectivités territoriales (art. L 212-12 et 13 et R 212-53 à 61). Ce lien direct est le garant d’une reconnaissance du caractère interministériel de la gestion des archives publiques.
À l’épreuve de la réalité du terrain, ce principe simple de répartition de l’exercice du CST peut devenir d’une application plus complexe, particulièrement dans un contexte administratif mouvant, comme il avait été souligné lors du congrès des Archives de France en 2011 à Caen. On peut isoler deux axes principaux d’évolution de l’administration dans les dernières années.
Lancé en 2007, le processus de révision générale des politiques publiques (RGPP) a touché en profondeur, à travers la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) qui s’est concrétisée en 2010, l’organisation des services déconcentrés avec donc un impact sur l’exercice du contrôle relevant des archives départementales.
En particulier, certains services déconcentrés se sont vus attribuer localement des compétences pour un territoire plus vaste que leur ressort habituel. Ainsi, certains services départementaux de l’Éducation nationale (ex-inspections académiques), se sont vus chargés de certaines missions spécifiques, comme la gestion des bourses, pour l’ensemble de leur académie. Au niveau interrégional, certaines DIRECCTE disposent désormais de certaines compétences sur une zone qui excède leur ressort régional par l’intermédiaire des brigades interrégionales d’enquête de concurrence ou encore sur les vins et spiritueux. Par ce biais, le Pôle Concurrence, Consommation, Répression des fraudes et Métrologie (Pôle C) de la DIRECCTE Midi-Pyrénées est responsable du contrôle de l’activité viticole sur 11 départements, des Pyrénées-Atlantiques au Cantal en passant par les Landes et l’ensemble des départements de la région Midi-Pyrénées. La DIRECCTE Aquitaine contrôle quant à elle cette même activité dans une zone à cheval sur trois régions : Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin, couvrant les départements de la Gironde, du Lot-et-Garonne, de la Dordogne, de la Charente-Maritime, de la Charente et des trois départements limousins.
Par ailleurs, des producteurs ont été créés avec des ressorts géographiques extrêmement larges. Les deux pôles interrégionaux d’apurement administratif (PIAA) ont par exemple été institués en 2005 pour vérifier les comptes soumis à l’apurement administratif des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de moins de 3500 habitants, des associations syndicales autorisées et des associations de remembrement[2]. Implantés à Rennes et Toulouse, ils sont placés sous l’autorité hiérarchique des DRFIP des régions Bretagne et Midi-Pyrénées[3]. Chacun couvre approximativement la moitié des départements français[4].
Cette volonté de concentration des compétences s’est traduite également par un programme de mutualisation des fonctions support, dont l’archivage. Des opérations de pré-archivage mutualisé ou la passation de marchés communs d’externalisation se développent et posent également la question de l’exercice du CST sur ces archives intermédiaires conservées bien souvent en dehors du ressort du service d’AD compétent. Que faire en outre quand c’est le siège d’un réseau qui souhaite passer un marché unique d’externalisation pour l’ensemble de ses antennes ou services ? Qui est alors compétent pour valider le marché ? Ce fut dernièrement le cas du ministère des Finances qui a souhaité passer un marché pour les deux PIAA.
Le développement des agences ou opérateurs de l’État constitue un autre axe marquant de l’évolution de l’administration publique française ces dix dernières années, comme l’ont souligné les rapports récents de l’Inspection générale des finances et du Conseil d’État, malgré leurs différentes définitions de ce phénomène[5]. De par leur indépendance par rapport à l’organisation pyramidale classique de l’administration française, ces opérateurs de l’État sortent très souvent du cadre classique d’exercice du contrôle scientifique et technique par les archives départementales. La circulaire DGP/SIAF/2010/020 du 25 novembre 2010 relative au contrôle et à la collecte des archives des opérateurs de l’État a tenté de clarifier les responsabilités de chacun[6].
Cependant, un cas n’est pas assez précisément abordé dans cette circulaire, celui des opérateurs à vocation locale disposant d’un réseau d’implantation et de vocation locales (cas 3. de la circulaire) : agences régionales de santé, ports autonomes, agences de l’eau, etc. Les cas ne manquent pas et questionnent le CST des archives départementales. Prenons l’exemple des agences de l’eau. Il en existe 6 sur le territoire métropolitain, indépendantes les unes des autres, exerçant leurs missions de réduction des pollutions de toutes origines et de protection des ressources en eau et des milieux aquatiques sur des bassins hydrographiques sans rapport avec les ressorts administratifs traditionnels. Quatre disposent de délégations territoriales. En outre, depuis 2008, trois de ces agences exercent des fonctions nationales ponctuelles : elles centralisent pour l’ensemble du territoire métropolitain la gestion d’un type de redevance.
Dans tous ces exemples, la question se pose de savoir quel service d’archives départemental exerce le CST et collecte les archives de ces délégations locales chargées de mission supra-territoriales. Les Archives de France ont jusqu’alors, suivant les cas, oscillé entre deux principes forts pour apporter des réponses :
– Faire remonter le contrôle, et parfois la collecte, au niveau du siège du réseau dès lors qu’il existe un lien juridique fort avec ses antennes territoriales (ex. : Agences de l’eau, CREPS…).
– Mettre en œuvre la collecte au niveau des antennes territoriales (ex. : Mutuelle sociale agricole Midi-Pyrénées Nord).
Mais, nonobstant les contradictions qui résultent de l’application de ces deux principes, les limites de cette approche se font à présent sentir, notamment du fait d’une grande inventivité administrative visant à faire des économies d’échelle. De plus en plus on assiste à la concentration de compétences à des fins d’efficacité et d’économie sans lien avec l’organisation initiale des administrations qui les exerçaient et susceptibles de modifications fréquentes pour s’adapter à telle ou telle nouvelle réforme. Dans ce cadre, le principe de faire remonter le CST et la collecte au niveau des AD du siège d’un réseau d’antennes territoriales devient contre-productif : les antennes peuvent changer de siège et le contrôle et la collecte se retrouver ainsi éclatés entre plusieurs services d’archives. Plus pragmatiquement, l’attribution du CST et de la collecte aux AD du siège pose des problèmes d’application quand le réseau de ce siège s’étend sur un territoire de plus en plus vaste suite à des mutualisations. Les inspections et les versements deviennent coûteux, en temps comme en transport.
Les préconisations
De ce constat se dégagent différentes pistes d’évolution que le service interministériel des Archives de France souhaite développer.
Tout d’abord, il faut améliorer la définition du CST et rappeler son étendue pour l’adapter à la nécessité actuelle d’un contrôle accru de la gestion de l’information publique dès la création des données. Dans le cadre de l’élaboration prochaine d’une nouvelle loi Patrimoines, le SIAF propose, pour la partie relative aux archives, d’introduire la notion de CST dès la définition des archives publiques (actuel L 211-4 du code du patrimoine) et de souligner l’évidence que le CST doit s’exercer, dans toutes les administrations, toujours plus en amont de la chaîne de production et de traitement de l’information, dès la phase de réflexion sur les modalités de sa création, indépendamment de tout objectif patrimonial. Il s’agira aussi de procéder à un rééquilibrage dans la rédaction de la loi Patrimoines en écrivant plus clairement que les obligations qui pèsent sur les producteurs et qui sont contrôlées dans le cadre du CST, ne sont pas moins lourdes pour les services et les établissements de l’État que pour les collectivités territoriales. Afin que les termes soient plus clairs, il est envisagé d’indiquer que le CST s’exerce sur la gestion des archives et non plus seulement sur leur conservation. Il s’agit là de modifications subtiles du texte mais qui peuvent faciliter la tâche de tous les archivistes chargés du CST.
Dans la continuité du rapport de l’inspection générale des patrimoines, un groupe de travail s’est réuni sur cette question du CST et a insisté sur le fait qu’il fallait rappeler, comme nous l’avons déjà vu (article R 212-3 du code du patrimoine), l’étendue très large du CST qui porte sur toute la chaîne archivistique et les trois âges des archives. Le CST couvre donc – la liste n’est pas complète – les inspections, dans l’ensemble des institutions chargées d’une mission de service public, des conditions de gestion de l’information, la validation des tableaux de gestion, des cahiers des charges mettant en place des GED ou des SAE, des projets de mutualisation de la fonction archives, le contrôle des opérations de classement et de restauration, des prestations externalisées quelles qu’elles soient (tiers-archivage, restauration ou prestations « intellectuelles » de classement et description), ou encore du respect des règles d’accès aux archives publiques.
Améliorer la définition du CST doit aussi passer par une réflexion sur l’articulation entre contrôle et conseil en matière de gestion des archives publiques : en France, contrairement à d’autres pays, le contrôle sur la gestion des archives publiques a toujours été conçu comme intrinsèquement lié au conseil des organismes contrôlés. Le développement des Missions des archives placées auprès des ministères en est un bon exemple : responsable du CST, les missionnaires sont également les interlocuteurs de proximité des administrations productrices pour les conseiller quant à la gestion de l’information. Lier le contrôle au conseil semble l’héritage de la prise de conscience tardive par les administrations françaises de la gestion des archives comme d’une fonction support à part entière : faute de la reconnaissance de l’importance de cette fonction support comme d’autres (GRH, comptabilité, communication…), les archivistes en charge du CST ont pu choisir, pour faire accepter le CST, de passer par le conseil. Cela peut amener à un dilemme en termes d’évolution :
– soit recentrer les actions des services en charge du CST sur le contrôle en considérant que le mélange conseil-contrôle ne fait que surcharger les services d’archives chargés du CST et déresponsabiliser les producteurs qui ne voient pas pourquoi ils devraient mettre des moyens dans la gestion des archives ;
– soit continuer à renforcer l’action de conseil exercée par les personnes en charge du CST comme soutien indispensable du contrôle, partant du principe de réalité que ce n’est pas dans une période de réduction des dépenses publiques que les producteurs d’archives publiques mettront enfin les moyens pour s’occuper convenablement des archives alors même que la prise en compte de l’archivage comme enjeu de gestion est inégalement partagée par les institutions publiques française.
Il semble assez difficile de donner des prescriptions pour orienter l’ensemble du réseau des services d’archives chargés du CST vers une piste unique, tant cette orientation dépend du degré de maturité de la politique de gestion de l’information dans les institutions productrices. La révision de la loi sur les archives sera en tout cas l’occasion d’affirmer dans le code du patrimoine, plus clairement que cela n’est dit aujourd’hui, l’obligation de moyens que tout producteur d’archives publiques doit consacrer à la gestion de celles-ci.
Dans un second temps, il est nécessaire que le SIAF réaffirme, en concertation avec le réseau, un principe unique pour organiser l’exercice du CST et de la collecte des archives publiques. À la suite des remarques collectées auprès du réseau et après réflexion avec le groupe de travail précité, un projet de note d’information relative au CST prévoit de s’attacher à un principe de réalité en instaurant comme principe fondamental l’attachement des archives au territoire où elles ont été produites. Pour fixer une règle qui ne souffre pas de trop d’exceptions et pour dépasser les limites vues plus haut, il a été décidé de considérer comme producteur d’archives soumis au CST toute unité administrative figurant dans un organigramme, même si cette unité n’a pas d’existence juridique propre. Dans ce cadre, à titre d’exemple, les unités territoriales d’une administration régionale seraient considérées comme des producteurs à part entière (UT de l’ARS, UT de la DIRRECTE, etc.). Le DAD compétent en termes de CST est alors celui du département où se trouve l’unité. Si une action administrative est exercée sur un ressort qui excède le département (région, niveau interdépartemental ou interrégional), le CST est exercé par le DAD du département où la structure chargée de cette action est localisée. Enfin, il revient au DAD d’assurer la collecte des archives sur lesquelles il exerce le CST. La ventilation par département des archives d’une activité exercée localement sur plusieurs départements serait problématique : d’une part, elle ne serait matériellement possible que quand les archives produites reflètent une organisation territoriale ; d’autre part, elle serait extrêmement chronophage ; enfin, elle pourrait aboutir à brouiller encore un peu plus les pistes puisque cette méthode n’est pas respectueuse du principe de respect des fonds. Cette règle s’appliquera également dans le cas des antennes territoriales des services déconcentrés et des établissements publics exerçant une mission nationale ponctuelle, mais ne remettra en cause ni le CST qu’exerce aujourd’hui toute Mission des Archives de France du ministère concerné sur les services centraux délocalisés et sur les établissements publics à vocation nationale et à implantation locale, ni le versement des archives résultant de ce contrôle aux Archives nationales.
Dans le cas où la conservation d’archives publiques est assurée par un centre d’archivage intermédiaire situé hors du département de production, par exemple si elle est externalisée auprès d’un tiers-archiveur agréé, c’est toujours le lieu de production des archives, et non pas le lieu d’archivage intermédiaire, qui détermine les compétences en matière de CST. Dans ce cas en effet, le DAD qui exerce le CST sur les archives produites par un service donné continue naturellement de l’exercer sur ces mêmes archives quand bien même leur conservation est à plus ou moins long terme « délocalisée » dans un autre département. En cas d’externalisation de la conservation de ces archives auprès d’un tiers-archiveur agréé, c’est bien ce DAD qui se charge, notamment, de l’examen de la déclaration et du contrat de dépôt conformément aux articles R 212-19 à R 212-31 du code du patrimoine. Cependant, par commodité, il peut demander à son homologue du département d’implantation du local d’archivage intermédiaire d’en faire une inspection à sa place.
En dernier lieu, un troisième axe d’évolution doit viser à une adaptation de l’exercice du CST aux nouvelles réalités de la production des archives publiques afin de le faire gagner en efficacité. Des établissements publics à vocation nationale initient des politiques d’archivage dans leur réseau d’antennes territoriales à l’échelle de tout ou partie du territoire national (ADEME, IRSTEA, CIRAD…) ; des ministères font de même au sein de leurs services déconcentrés (lancement d’un système d’information de gestion de l’archivage (SIAM) dans les services déconcentrés des ministères de l’égalité des territoires et du logement et de l’écologie, du développement durable et de l’énergie). Dans ces cas, la mise en place de la politique dans les antennes, placées sous le contrôle des DAD, nécessiterait théoriquement aujourd’hui la validation du projet par tous les DAD concernés. Pour mutualiser les efforts et simplifier l’exercice du CST, la validation des tableaux de gestion, des éventuels marchés de prestations d’archivage et des déclarations d’externalisation de l’organisme initiant la politique a vocation à être faite conjointement par le responsable de la Mission des Archives de France du ministère concerné et le bureau de la gestion, de la sélection et de la collecte du SIAF qui recherchera la plus grande concertation possible avec le réseau des archives départementales (si cette politique d’archivage est impulsée par un service régional, il est envisageable que son contrôle soit fait par le DAD compétent sur ce service qui rechercha le consensus avec ses collègues DAD concernés).
Une autre piste d’évolution pourrait être l’adaptation du contrôle des éliminations à l’univers du numérique dans la mesure où une différence substantielle existe par rapport au monde du papier : les procédures nécessitent une préparation rigoureuse en amont mais sont exécutées ensuite automatiquement. Il pourrait être envisagé de développer des visas d’élimination a priori, délivrés annuellement par la personne en charge du CST pour un type de document et une période chronologique donnés.
ZOOM sur les systèmes d’information : une assistance à maîtrise d’ouvrage en cours
Depuis une trentaine d’années, des « applications métier » se sont progressivement constituées dans l’ensemble des administrations. Les services de l’administration déconcentrée de l’État sont naturellement entrés dans ce mouvement. Leurs systèmes d’information (SI) se composent d’applications couvrant des périmètres divers et fonctionnant suivant des principes différents les uns des autres (conception, architecture, structure et responsabilité des données …). On peut néanmoins en schématisant distinguer quatre cas représentant l’essentiel des applications existantes :
– les applications conçues, hébergées et gérées par les services déconcentrés (cas 1) ;
– les applications conçues au niveau national, hébergées et gérées par les services déconcentrés (cas 2) ;
– les applications conçues et hébergées au niveau national, gérées par les services déconcentrés (cas 3) ;
– les applications conçues, hébergées et gérées au niveau national, les services déconcentrés n’en étant qu’utilisateurs (cas 4) : les services déconcentrés peuvent saisir des données mais ne sont pas les seuls et l’échelon central est responsable de la validation et de la qualité des données.
L’existence de ces différents cas de figure amène à se poser des questions sur l’adéquation du fonctionnement actuel en termes de CST et de collecte notamment. Dans ce cadre, le SIAF a désiré être aidé par une AMOA pour avoir des éléments objectifs de réflexion. Lancée en novembre 2012, cette AMOA ne concerne pas uniquement le champ du CST mais plus largement la question de l’archivage de ces applications des services déconcentrés de l’État. Un certain nombre d’applications doivent servir d’exemples mais il ne s’agit ni de fixer des politiques d’archivage, ni des profils de données. L’objectif est plutôt d’examiner la question de façon macroscopique de manière à recenser les différents acteurs, aussi bien chez les services métiers que chez les archivistes, à identifier la pertinence de leurs interventions, et à définir des scénarios possibles pour l’organisation de l’archivage ainsi que leurs impacts. Cette AMOA est assurée par la société Implissio.
L’AMOA doit permettre également de mieux connaître les impacts des différents scénarios et sous-scénarios possibles, en termes archivistiques (continuité des fonds aux AD ou versement aux AN ?) et juridiques (évolution du code du patrimoine nécessaire ?) ; organisationnels (notamment en matière de répartition des ressources humaines entre le réseau des archives départementales et les Missions). Plus largement, hors du champ du CST, d’autres impacts sont également à prévoir quant aux services offerts aux publics : accès (enrichissement des instruments de recherche, interfaces et portails), visibilité des services d’archives, gestion des dérogations, communication, considérant notamment la question des données personnelles, etc. Bien sûr, des éléments techniques et économiques doivent compléter le panorama que l’AMOA va dessiner.
Du point de vue du CST (et plus largement de la collecte), les cas 1 et 4 cités ci-dessus ne posent pas de problèmes particuliers : pour le cas 1, le CST est exercé par les AD, pour le cas 4 par les Missions des archives de France.
Les cas 2 et 3 posent en revanche un certain nombre de questions de principe quant à l’intervention des différents acteurs (et à la détermination de l’échelon d’archivage pertinent). Le caractère local de la production, de l’organisation des données issues de ces applications métier et surtout de leur niveau de validation plaiderait pour les services départementaux d’archives mais le caractère national de l’architecture et des infrastructures concernées amène à s’interroger sur les modalités de mise en œuvre d’un contrôle et d’une collecte locale et sur leur faisabilité.
L’AMOA s’est attachée à décomposer pour les cas 2 et 3 le périmètre des actions nécessaires :
– la définition des politiques d’archivage (définition et mise en œuvre du cycle de vie des données, conception et mise en œuvre du processus d’archivage définitif) durant laquelle le responsable du CST intervient notamment en termes de sélection ;
– la gestion des archives courantes et intermédiaires où le responsable du CST est chargé du contrôle de la bonne application des règles, des conditions de conservation, de la délivrance des visas d’élimination ;
– la gestion des archives définitives.
Pour chacun de ces éléments, la faisabilité et la pertinence de l’intervention des acteurs locaux (AD) et/ou centraux (Missions des archives de France et autres services du SIAF ; AN) est étudiée, ce qui amènera à la détermination de plusieurs scénarios.
Par ailleurs, il convient de prendre en compte dans la réflexion l’existence dans certains cas de systèmes d’archivage électronique (SAE) intermédiaire. Ceux-ci peuvent être de deux ordres : des SAE ministériels transverses (la plateforme Atlas pour Bercy par exemple) ou des SAE territoriaux (rien n’exclut par exemple que e-Bourgogne accueille des données de services déconcentrés en archivage intermédiaire).
Par ailleurs, il apparaît que pour une même fonction administrative plusieurs bases correspondant à des cas différents peuvent coexister : ainsi pour les Hypothèques, la base Fidji qui, transposée dans l’ancien monde papier, correspondrait aux tables et répertoire, est à associer au cas 2 (hébergement local) alors que la base Hyposcan, qui correspondrait aux transcriptions, est un cas 3 (hébergement centralisé). Un point de vigilance doit donc être observé pour éviter, dans la mesure du possible, de faire des dissociations trop rigides pour des cas comme celui-là dans les prises de décisions en matière de CST et de collecte au risque d’une incohérence évidente.
La première phase de l’AMOA qui consistait à étudier quelques applications et à rencontrer un certain nombre de personnes ressources est désormais achevée. La seconde phase, entamée, va permettre de modéliser les scénarios envisagés. La troisième et dernière phase, qui s’achèvera en principe courant juin, doit porter sur les études d’impact.
Conclusion
En conclusion, il semble utile de rappeler les différentes échéances à venir dans le domaine du CST.
– Tout d’abord, le SIAF a d’ores et déjà proposé des améliorations concernant le CST visant à une meilleure gestion de l’information, dans le cadre de la partie du projet de loi Patrimoines consacrée aux archives ; ce projet doit entrer dans les prochaines semaines dans une phase de concertation ;
– Le SIAF publiera avant l’été 2013 une note d’information consacrée au CST exercé par les DAD : celle-ci sera l’occasion de rappeler les différentes composantes du CST et de proposer un arrêté de délégation de signature type du préfet au DAD.
– Enfin, le SIAF communiquera à l’automne sur les résultats de l’AMOA consacrée aux systèmes d’information des services déconcentrés de l’État.
[1] Article 1 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.
Voir aussi la circulaire conjointe du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et du ministère de la culture et de la communication NOR MCCC1106465C en date du 1er avril 2011, adressée aux préfets et hauts-commissaires, relative à la fonction archives.
[2] Instruction n° 05-039-M0 du 19 septembre 2005 (NOR : BUD R 05 00039 J) relative aux pôles régionaux d’apurement administratif.
Note d’information DGP/SIAF/2012/07 en date du 15 juin 2012 sur les archives des pôles interrégionaux d’apurement administratif (PIAA).
[3] Arrêté du 23 mars 2012 désignant les autorités compétentes de l’État en charge de l’apurement administratif des comptes publics locaux.
[4] Voir l’annexe de l’arrêté précité pour connaître la répartition.
[5] L’État et ses agences, rapport n°2011-M-044-01 de l’Inspection générale des finances, mars 2012 et Les établissements publics, étude adoptée par l’assemblée générale plénière du Conseil d’État, 15 octobre 2009, p. 14.
[6] Circulaire DGP/SIAF/2010/020 du 25 novembre 2010 relative au contrôle et à la collecte des archives des opérateurs de l’État.
Présentation de leur intervention et compte-rendu de la séance