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Vers une nouvelle gouvernance de l’information

« Le  service d’archives est au cœur des réflexions stratégiques de gouvernance. », selon Corinne Porte, présidente de la conférence.

« Collecter pour quoi ? », Elisabeth Verry

L’intervention d’Élisabeth Verry consiste en une réflexion sur le but et le sens de la collecte des documents. De nos jours, la collecte est considérée comme une mission fondamentale (cf. Abrégé d’archivistique). Cependant, dans les années 1960, la collecte n’était pas définie au sein de la Pratique archivistique française publiée par la Direction des archives de France. Trente ans plus tard, elle est associée à l’accroissement des fonds et une méthode se met en place. Il faut attendre l’année 2013 pour que la collecte ait désormais toute sa place dans la dernière édition de l’Abrégé d’archivistique.

La collecte concerne aussi bien les archives publiques, privées qu’électroniques. Au cours de sa réflexion sur la pratique, Élisabeth Verry a défini deux préalables à la collecte : la sélection et l’évaluation. Si la première constitue une prise de responsabilité pour l’archiviste, la seconde se rapporte à la qualité de l’information et à la place des documents dans le contexte de production. « La collecte est comme une pièce de théâtre, jouée par trois acteurs : le producteur, l’archiviste et le futur utilisateur ». La place de chacun peut varier dans le pourquoi de la collecte mais il serait adéquat que l’archiviste se place au centre du processus, créant son propre jugement et développant ses propres stratégies, tout en justifiant ses choix. Pour juger d’un document, ce dernier dispose de critères basés sur la valeur (témoignages, informations) et sur la fonction des documents (preuve, documentation, mémoire).

S’interroger sur le pourquoi de la collecte revient à se demander pourquoi conserver : avoir accès à des informations authentiques, se souvenir, mais également servir la recherche et la science.

En conclusion, la collecte a pour objectifs de servir la démocratie, faire œuvre de transparence, constituer des sources et assurer la pérennité juridique des actes. Élisabeth Verry finit son intervention par : « la collecte permet d’offrir un héritage à tout Homme et de défendre les droits de l’Homme. »

« L’administration électronique : un levier pour l’archivage électronique », Françoise Banat-Berger

« Il existe un lien entre le développement de l’administration électronique et celui de l’archivage électronique ».  En 1997, le discours de Lionel Jospin, prononcé à l’université d’Hourtin et intitulé « Préparer l’entrée de la France dans la société d’information » constitue le point de départ d’une vision plus positive de l’informatique et d’Internet.

Le premier programme à être lancé est le Programme d’Action Gouvernementale pour la Société d’Information (PAGSI).  Il consiste en une généralisation des sites internet pour les services publics, une mise en place de formations NTIC et un soutien à la recherche.

Françoise Banat-Berger présente ensuite l’historique des agences relatives à l’administration électronique. En 1998, on assiste à la naissance de l’agence MTIC, remplacée en 2001 par Atica, puis en 2003 par l’ADAE. Les années 2004-2007 voient la mise en place du plan Adele. Celui-ci vise la modernisation du mode de travail des agents administratifs ainsi que la simplification et la personnalisation des services. Ces derniers sont dès lors rassemblés à Bercy et la Direction générale de Modernisation de l’Etat est mise en place, remplacée en 2008 par la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP). En 2011, la DISIG a pour but de coordonner les systèmes d’information de l’Etat et de promouvoir l’innovation. Un an plus tard, le Secrétariat général de la Modernisation de l’Action Publique fait partie des services du Premier ministre.

L’archivage électronique apparaît tout à la fois comme le garant d’une bonne administration et comme un élément constitutif du patrimoine. Des hésitations sont apparues sur la place à attribuer à la sécurité et à la problématique de l’interopérabilité. Laquelle doit-être prédominante ? Si, au départ, la sécurité est considérée comme la condition primordiale, l’interopérabilité est actuellement mise sur le devant de la scène. Les Archives de France participent aux débats sur la dématérialisation et s’intéressent aux formats d’échanges permettant la communication et la collaboration entre les services. Entre 2006 et 2008, un poste dédié à la question de l’archivage électronique à été créé au sein de l’ADAE.

Les travaux sont toujours en cours et une collaboration est en œuvre entre les différents acteurs. En janvier 2013, un label consacré aux services d’archivage électronique a été lancé. Sur le plan législatif, la loi du 13 mars 2000 affirme l’équivalence de preuve existante entre le support papier et le support électronique.

Selon Françoise Banat-Berger, « la complexité du processus est sous-estimée et les mesures d’organisation nécessaires pas assez prises en compte ». En effet, les acteurs se heurtent à des échecs dus à des retards, des surcoûts et à leur multiplicité. L’urbanisation des systèmes d’information reste encore à construire. Si les systèmes d’information doivent encore être modernisés, on constate tout de même quelques progrès, notamment au niveau de la prise en compte de la gestion des données : on prend conscience de l’importance de disposer de données de qualités. En 2011, 80 % des services d’archives ont réalisé des actions relatives à l’archivage numérique. On assiste parallèlement à l’accroissement des versements d’archives numériques au sein des services administratifs.

« Abyssale », c’est l’adjectif que Françoise Banat-Berger associe à la collecte des archives numériques. « Le chemin est encore long ».

« Vers une gouvernance de l’information », Jean-Marc Rietsch

Du fait de son statut d’ingénieur, Jean-Marc Rietsch s’est tout de suite positionné sur un plan différent des deux premières intervenantes. Il a commencé par présenter la Fedisa, fédération créée en 2005, caractérisée par son rôle d’information entre fournisseurs de solutions et les utilisateurs, privés ou publics. Il est revenu sur l’intervention précédente en expliquant que les progrès n’étaient en effet pas assez rapides dans le domaine. La France affiche un grand retard, notamment face au Danemark sur la question de la dématérialisation. Parallèlement, la fédération publie des ouvrages, un journal, ainsi que la « lettre de la dématique » et propose des formations, tel que le master management du patrimoine informationnel. Sa présence internationale tend à se développer. Par exemple, le Luxembourg a récemment publié une loi autorisant la destruction du document papier après sa numérisation. La valeur du document numérique tend à être reconnue.

Il poursuit sur la justification de son choix du terme de « dématique » au lieu de celui de « dématérialisation ». En effet, à l’usage de ce dernier, la notion de numérisation vient immédiatement à l’esprit, or, d’autres notions sont à prendre en compte, comme la dématérialisation des échanges et des processus. En outre, dans le monde anglo-saxon, le terme « dématérialisation » renvoie à la désintégration, ce qui n’est pas le but escompté.

Jean-Marc Rietsch achève son intervention sur une présentation de la situation actuelle : « Où en est-on ? » On assiste à une sensibilisation du public à partir de 2005. Aujourd’hui, on a conscience de la pluridisciplinarité et de la transversalité du sujet. La dématique progresse, mais reste insuffisante et désordonnée. Les professionnels sont confrontés à un besoin d’accélérer la vision du cycle de vie du document, d’une meilleure coordination et visibilité, d’une mutualisation et d’une méthode d’accompagnement. L’accroissement du volume des données entraîne des questionnements sur la manière de gérer toutes ces données et d’en limiter l’importance. L’archivage des données numériques est cependant en évolution.

A ces interventions, le public a réagi au sujet de l’usage de la notion de gouvernance. Celle-ci reste sous-utilisée au sein des services d’archives. Certains professionnels sont même réticents à son utilisation en raison de sa complexité. D’autres regrettent l’inexistence d’un plan de classement thématique pour les archives numériques. Pour que les mentalités évoluent, il faudrait expliquer la nécessité de mettre en place ce système et la place occupée par les archivistes au sein d’un tel dispositif.

Petit conseil de nos amis helvètes : « la politique de gouvernance, oui, mais pas que la théorie ! ».

Desnoyers A., Lebreton C., Willefert L.

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