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Archives, archivistes, lecteurs

Cette séance, présidée par Isabelle Vernus, a été consacrée à la triade « archives, archivistes, publics ». Trois interventions ont permis de venir illustrer les différentes relations qui unissent ces trois entités.

De gauche à droite : Eléonore Alquier, Pauline Moirez, Marie Ranquet, Isabelle Vernus

La répartition des fonds des Archives nationales sur trois sites : penser la réorganisation de l’institution pour répondre aux besoins des usagers

Eléonore Alquier, archiviste aux Archives nationales (AN) au département de la conservation, a participé au déménagement de l’institution, engagé au printemps dernier. Elle nous a expliqué comment les fonds ont été répartis entre les trois sites de la région parisienne. Avant la construction du nouveau site des AN de Pierrefitte-sur-Seine, on trouvait deux sites autonomes : celui de Paris et celui de Fontainebleau, ce dernier ayant l’inconvénient d’être excentré. Une réorganisation générale des AN a été mise en place en 2000 à partir du projet « une cité pour les Archives ». Chaque site a une spécialisation technique. Pour répondre aux besoins de tous les usagers, plusieurs options ont été envisagées. La solution retenue a permis une organisation selon une répartition chrono-typologique (par période et par type de documents). Paris conserve les fonds antérieurs à 1789 et le minutier central, Fontainebleau gère les archives contemporaines, audiovisuelles, nominatives et sérielles ainsi que les archives électroniques. Enfin, le site de Pierrefitte-sur-Seine est, quant à lui, consacré aux archives des départements ministériels et aux archives privées. Paris reste le « lieu de la grande vitrine », des expositions. Pierrefitte-sur-Seine devient alors le centre de pilotage global de l’institution. De plus, les fonds les plus consultés y restent conservés. Cela permet d’accueillir la majorité des lecteurs des AN à Pierrefitte-sur-Seine. Chaque site se spécialise donc en fonction de ses compétences. Enfin, pour E. Alquier, un « effort pédagogique dans les salles de lecture devra être mis en place pour expliquer la répartition des fonds ». En interne, il faut également assurer la communication entre les sites, afin que l’ensemble des fonds soient liés. « Il est important d’assurer le même niveau d’offre de service quel que soit le site ».

Archives, archivistes, lecteurs : entre désir d’ouverture et tentation du secret

Marie Ranquet, doctorante et actuellement chargée de la communicabilité au sein du Service interministériel des Archives de France, a parlé de la position de l’archiviste face aux enjeux légaux et réglementaires de la communication des documents. L’archiviste n’est plus le seul professionnel légitime en la matière. En effet, d’autres instances existent comme la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Les lois de 1978-1979 ont marqué la dissociation entre les termes « archives » et « documents administratifs ». De plus, la loi de 1979 a fixé de nouveaux délais de communicabilité. Elle exclue les documents administratifs. Ainsi, chaque loi a son propre public : les historiens pour la loi sur les archives de 1979 et les citoyens pour la loi CADA de 1978. L’union nécessaire entre ces deux lois a été permise par la loi du 15 juillet 2008 (L. 213-1). La loi a donc mis fin à la répartition entre citoyens et documents administratifs et historiens et archives. L’accroissement de l’intérêt pour l’histoire contemporaine a également permis ce changement. Un paradoxe demeure : la société demande l’ouverture des données (open data) mais, dans un même temps, veut protéger la vie privée des individus. Cette contradiction est loin d’être nouvelle pour les archivistes qui ont trouvé un équilibre en déterminant de nouveaux délais de communicabilité dans la loi de 2008. Actuellement, l’équilibre est menacé d’être rompu : le développement des nouvelles technologies augmente le risque d’atteinte à la vie privée des gens. M. Ranquet pose alors la question : « les sources deviendront-elles anonymes » ? La réglementation française et européenne semblent aller dans ce sens. Néanmoins, si la balance penche davantage vers la protection de la vie privée dans le règlement européen, l’équilibre national, aujourd’hui atteint avec la loi de 2008, risque d’être rompu. Le perdant d’un tel débat ne sera pas forcément l’archiviste, mais avant tout le lecteur, car on protège sa vie privée au détriment de l’accès aux sources historiques.

Archives ? Participatives ! parce que nous le valons bien !

Pauline Moirez, en poste actuellement à la Bibliothèque nationale de France, est experte en diffusion et usages numériques. Elle souhaite montrer l’intérêt de l’interaction entre les archivistes et les usagers par le web. C’est un enjeu fondamental du métier. En effet, « les archives disposent de tous les atouts pour assurer une présence qui réponde aux enjeux et aux besoins du web ». Alors que nous nous situons dans un contexte d’« infobésité », il faut assurer un contenu de qualité aux internautes. Il est nécessaire d’offrir une porte d’interaction à l’usager sur le web pour les fidéliser et les inciter à revenir. Le web est social. L’usager doit ainsi pouvoir interagir avec les contenus, réagir, répondre et poster des commentaires. Il faut inventer ces nouvelles relations avec les usagers. Quel est alors l’enjeu ? Cette interaction permet l’enrichissement des fonds conservés et doit permettre de proposer de nouvelles fonctionnalités qui sont plus adaptées aux usagers. Par la suite, P. Moirez a montré que différentes institutions apportent des réponses qui leur sont propres. Par exemple, les musées mettent en place des actions de communication à valeur principalement événementielle alors que les archives utilisent un web participatif qui permet de mettre en place une véritable stratégie où les usagers sont considérés comme des acteurs de la construction du numérique. Par ailleurs, la terminologie est fluctuante. On parle de web participatif, de crowdsourcing, de web collaboratif ou encore de métadonnées sociales (social metadata). Le terme « archives participatives » a été théorisée par Kate Theimer comme : « Un organisme, un site ou une collection auxquels des personnes qui ne sont pas des professionnels des archives apportent leurs connaissances ou ajoutent des contenus, généralement dans un contexte numérique en ligne ». Ce concept s’adapte bien aux archives par la nature même des documents qui est diverse et unique. Plusieurs exemples ont été présentés tels que des programmes d’indexation collaborative, de transcriptions et d’édition critique comme Monasterium. D’autres projets appellent à la compétence scientifique des usagers tels que le l@boratoire des internautes des archives départementales de la Vendée. Il s’agit de faire progresser la science en s’appuyant sur un grand nombre de personnes. Elle conclue en posant la question : « et si la participation des usagers était le moteur des archives » ?

Anaïs Berger, Pierre Blanpain de Saint Mars, Clémence Chauveau, Adélaïde Laloux

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